La
prière pour les défunts[1]
appartient à la plus ancienne tradition de l’Eglise. Il est de coutume pour les
chrétiens de célébrer des funérailles à l’église et de demander des messes pour
le repos des âmes de leurs frères et sœurs endormis dans la mort. Chaque
célébration eucharistique comporte explicitement un ‘‘memento pour les morts’’. La journée qui suit la Toussaint, encore
appelée jour des morts, est essentiellement consacrée à la commémoration de tous
les fidèles défunts pour implorer en leur faveur la miséricorde de Dieu. L’on
peut s’interroger alors sur le pourquoi de cette pratique.
1. Qu’advient-il après
notre mort ?
Après sa mort, tout homme est
immédiatement jugé, et la sentence est immédiatement appliquée. C’est ce que
l’on appelle le jugement particulier, prélude du jugement dernier à la fin des
temps.
A
plusieurs reprises, le Nouveau Testament affirme la rétribution immédiate après
la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi (cf. La parabole du pauvre Lazare, Lc 16, 19-31 ;
les paroles du Christ en croix au bon
larron, Lc 23, 43 ; et bien d’autres passages du NT, 2 Co 5, 8/Ph 1,
23/He 9, 27).
Donc, au soir de sa vie, chaque homme
reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle : - soit pour
entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit à travers une
purification, soit pour se damner immédiatement pour toujours.
a. Le ciel ou paradis
céleste
« Ceux qui
meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiés,
vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu
parce qu’ils le voient ‘‘tel qu’Il est’’ (1 Jn 3, 2), ‘‘face à face’’ (1 Co 13,
12) ».[2]
b. Le purgatoire ou la
purification finale
Le
purgatoire est un lieu et un état des âmes qui, décédées en l’amitié de Dieu
mais encore chargées de fautes vénielles, achèvent de purger leur peines et de
se purifier de leurs péchés, en vue de leur admission au ciel.
Au
purgatoire se trouvent les âmes qui ne sont pas assez gravement coupable pour
mériter l’enfer éternel, ni assez pures pour pouvoir du moins entrer au ciel
tout de suite. C’est donc un état provisoire et non définitif.
La
croyance en cet état intermédiaire se fonde sur certains passages de
l’Evangile, entre autres, Mt 12, 32/Lc
12, 10/Mc 3, 29. En disant que si
quelqu’un a prononcé un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera
pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle futur, Jésus laisse à croire
qu’il existe avant le jugement final un feu purificateur (CEC, n°1031).
L’on comprend parfaitement que certaines fautes peuvent être remises dans ce
siècle-ci, mais certaines autres dans le siècle futur.
c. L’enfer
L’enfer
désigne le lieu ou l’état réservé immédiatement après le jugement particulier,
aux âmes décédées en état de péché mortel. C’est un état d’auto-exclusion
définitive de la communion avec Dieu. En effet, Dieu ne prédestine personne en
enfer ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu, et y persister
jusqu’à la fin (Mt 25, 31-46 ; Mc 9, 42 ; 2 Th 1, 5-9, Ap 14, 11).[3]
2. La prière pour les
âmes du purgatoire, une prière profondément enracinée dans les Ecritures
La
pensée de prier pour les âmes en attente de purification est une sainte et
pieuse pensée, en accord avec la Bible.
Le
passage le plus fameux se trouve en 2
Maccabées 12, 41-46 où il est recommandé de prier pour les défunts : « La raison pour laquelle ces hommes
avaient succombé devenait évidente : Tous bénirent la conduite du Seigneur, le juste Juge, qui met au grand
jour les choses cachées. Ils se mirent en prière, demandant que le péché commis
soit complètement effacé. L’héroïque Judas encouragea l’assemblée à se garder
de tout péché : ils venaient de voir de leurs propres yeux ce qui était
arrivé à leurs compagnons, tombés à cause de leurs péchés. Il fit alors parmi ses hommes une collecte qui rapporta environ
2 000 pièces ; il les envoya à Jérusalem pour qu’on y offre un
sacrifice pour le péché. C’était là
un geste très beau et très noble, inspiré par la pensée de la résurrection.
En effet, s’il n’avait pas cru que ceux qui étaient tombés ressusciteraient, il
aurait été inutile et ridicule de prier pour des morts. Mais il pensait qu’une
belle récompense était réservée à ceux qui se sont couchés dans la mort ayant
la foi ; c’était là une pensée sainte et en accord avec la foi. Il fit donc offrir ce sacrifice d’expiation
pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés ».
On
trouve encore un passage chez saint Paul où il est fait mention d’une pratique liturgique
pour les morts, pratique qui s’apparente à une prière d’intercession : « Au fait, ceux qui se font
baptiser pour les morts, que veulent-ils ? Si de toute façon les morts ne
ressuscitent pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ? » (1 Co
15, 29).
Le
‘‘baptême’’ ou la prière pour les morts est donc une conséquence naturelle de
l’espérance chrétienne en la résurrection :
- Espérance dans la miséricorde
de Dieu (Ephésiens 2, 4) ;
- Espérance en une vie où il n’y
aura plus de larmes ni de deuil (Apocalypse 21, 4) ;
- Espérance en la résurrection des
morts (1 Thessaloniciens 4, 13-14).
Dans
Les confessions, saint Augustin nous
rapporte le testament de sa mère Monique, avant de mourir : « Enterrez mon corps n’importe où :
que cela ne vous donne aucun souci. Je vous demande seulement de vous souvenir
de moi à l’Autel du Seigneur, partout où vous serez ».
Il
ajoute : « Les soins délicats
apportés à la sépulture, les riches constructions de tombeaux sont bien une
consolation pour les vivants, mais ils ne sont pas un secours pour les morts.
Les défunts sont mieux aidés par les prières de la sainte Eglise, par une
offrande et par les aumônes qui sont faites pour les âmes du purgatoire ».
Nos
frères et sœurs endormis dans la mort n’ont plus la possibilité de se racheter
par eux-mêmes pour les fautes qu’ils ont commises ici-bas. Ils n’espèrent plus
que nos prières et celle des saints du ciel afin que se manifeste la
miséricorde de Dieu. C’est pour cette raison que l’Eglise recommande les
aumônes, les indulgences et les œuvres de pénitence en faveur des défunts.
N’hésitons donc pas à porter secours à ceux qui sont partis et à offrir nos
prières pour eux, à l’instar de Job qui faisait régulièrement des sacrifices en
faveur de ses fils, cf. Jb 1, 5.
Abbé
Dutrone
[1] A
distinguer de la nécromancie (évocation des morts) qui est prohibée dans 1
Samuel 28
[2] Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC),
n° 1023
[3] CEC, n°
1033