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dimanche 28 juillet 2019

Reflexion : "A la quête du sens ultime de la vie..."une lecture du livre de l'Ecclésiaste



Le bonheur, fin ultime de l’existence humaine, est très souvent réduit à la satisfaction des désirs avides de l’homme. Aujourd’hui plus qu’hier, notamment avec les prouesses scientifico-techniques, s’accroît de façon vertigineuse, surtout en milieu juvénile, la course folle au profit et à l’argent, le désir d’avoir, de posséder et d’accumuler des montagnes de biens matériels sous prétexte d’assurer son confort et son bien-être. La société actuelle, basée sur la production de masse et la consommation à outrance, se transforme en un véritable marché d’illusion. Les sciences de la haute technologie mettent au jour le jour sur le marché, des produits hautement sophistiqués, et qui font rêver la jeunesse : le smartphone, l'android, l’ordinateur portatif, l’écran plasma, une panoplie de jeux vidéo, whatsApp, facebook, etc. 

Dans cet état symbiotique, où l’on ne sait plus exactement ce vers quoi on tend, la question de la valeur et du sens de l’existence humaine se pose avec acuité. Ceci dit, peut-on confier nos espoirs à la science et la technologie ? L’aisance matérielle constitue-t-elle une fin en soi ? En quoi consiste le vrai bonheur de l’homme ? A ce propos, le livre de l’Ecclésiaste peut servir de référence et de paradigme pour la jeunesse postmoderne en quête de sens ultime.


1.      Un coup d’œil sur le livre de l’Ecclésiaste (Qohélet)[1]

L’Ecclésiaste (traduction grecque de l’hébreu Qohélet « prédicateur ») est un livre de la Bible hébraïque, faisant partie des Ketouvim (les Ecrits). L’auteur se présente en tant que Qohélet, fils de David, et roi d’Israël à Jérusalem (Qo 1, 1). A une certaine époque, on l’a identifié à Salomon ; mais par la suite, des études de critique historique ont démenti cette opinion. « En portant attention au type d’hébreu utilisé ainsi qu’aux thèmes abordés, les exégètes ont conclu que ce livre était beaucoup plus tardif (environ IIIe siècle av. JC.), et son origine salomonienne a été désavouée »[2] note Michel Proulx. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un penseur juif se situant dans le grand courant de sagesse qui a marqué le peuple de l’alliance et qui a laissé ses empreintes dans d’autres livres sapientiels (Proverbes, Ben Sirac le sage, etc.).
En effet, Qohélet, demeurant marginal par rapport aux autres sages d’Israël, n’hésite pas à prendre le contre-pied de leurs positions en contestant à plusieurs reprises des croyances qui avaient valeur de dogme et de tradition dans les milieux sapientiaux. Ses réflexions surgissent de son propre vécu et se basent sur ce qu’il a lui-même observé chez lui et autour de lui.
Le livre de l’Ecclésiaste se présente ainsi comme le journal d’un homme en quête du sens de la vie. Etant donné qu’il est difficile voire impossible à l’homme d’éprouver le bonheur auquel il aspire, et que tout ce qu’il expérimente est passager, l’auteur, désabusé, s’interroge : la vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Le livre se fixe ainsi pour but de « trouver des bribes de sens dans un monde où tout parait absurde et n’a pas de sens ».[3]  


2.      Ecclésiaste : le sage en quête du sens ultime de la vie


Rechercher le sens ultime de l’existence humaine signifie d’abord, pour l’auteur du livre de l’Ecclésiaste (encore appelé Qohélet), ébranler les faux-semblants et les illusions trompeuses auxquels les jeunes se trouvent emprisonnés : le goût de grandeur conditionnés par l’appétit du pouvoir et de l’avoir.

a.       « Vanité des vanités (…), tout est vanité » (Qo 1, 2)


Y-a-t-il un bonheur solide et durable sur cette vie ? Assurément pas, selon Qohélet ; puisque tout est éphémère, tout disparaît et s'évapore. La vie ‘‘sous le soleil’’ est futile, insignifiante, sans but, vide de sens ; et il n’y a rien de nouveau : « Ce qui fut, cela sera, ce qui s’est fait se refera » (Qo 1, 9). La course au profit, l’accumulation de l’argent et la soif des biens de ce monde (richesse, pouvoir, grandeur, célébrité, etc.) ne satisfont pas à cause de l’inéluctabilité de la mort et d’une vie tellement brève, couronnée de souffrance, de chagrin, d’injustices et d’incertitudes. La vie de l’homme ressemble ainsi à une ombre qui passe :  
« Comme il  était sorti du sein de sa mère, tout nu, il s’en retournera, comme il était venu. De son travail il n’a rien retiré qui lui reste en main » (Qo 5, 14). Alors : « Quel profit trouve (donc) l’homme à toute la peine qu’il prend sous le soleil ? » (Qo 1, 3). S’interroge Qohélet. 

Ce cri alarmant de l’auteur de l’Ecclésiaste devrait interpeler la jeunesse postmoderne en crise de repères existentiels. Ce tableau sinistre donne une leçon de détachement des biens terrestres et appelle à la modestie. Car, « aucun travail et aucune richesse, si grande soit-elle, ne saurait combler l’être humain (Qo 2, 11 ; 4, 8 ; 5, 9-11) ».[4] En réalité, nul ne trouve vraiment d’apaisement et d’ataraxie en se jetant dans un tourbillon de plaisirs accablants, qui causent au cœur une lancinante tristesse. L’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, dans son discours du Liechtenstein (16/09/1993), exposait en ces termes les limites du progrès : « Rien n’exprime avec plus d’éloquence notre impuissance mentale, notre désarroi intellectuel, que l’impossibilité actuelle d’envisager la mort avec sérénité. Plus grand est notre bien-être, plus profonde l’angoisse glacée de la mort qui habite l’homme ‘‘post’’ moderne ».[5] Eh bien, L’existence humaine demeure une énigme sans solution durable, et la mort « notre seule certitude ».[6]
            Cependant, dans la mesure où pour Qohélet « le bonheur n’est pas une île de félicité à l’abri des misères de l’existence, comme le voudrait l’utopie infantile vendue par la publicité moderne »[7], ne peut-on pas dire qu’il nous invite à une célébration lucide de la vie ?

b.      Le secret d’une vie heureuse


Face à l’insécurité causée par la menace constante de la mort, Qohélet insiste sur l’importance de cette vie comme moment idéal de réalisation de soi. Cette vie relative, contingente et transitoire, est néanmoins agréable et belle. Car, « …Il n’y a pas de bonheur pour l’homme, sinon dans le plaisir et le bien-être durant sa vie » (Qo 3, 12). En ce sens, loin de s’engouffrer dans le cynisme, Qohélet invite plutôt à savourer les moments de joie offerts importunément, à mettre bien à profit l’instant présent ‘‘carpe diem’’ ; car il n’y a aucun moyen de s’assurer un avenir certain. Cette joie inopinée, qui n'est ni liée aux conditions extérieures, ni prévisible, s’oppose à l’appétit extravagant du pouvoir et de l’avoir. Cette joie, c’est Dieu qui la donne. Ainsi, l’homme devra-t-il jouir de la vie, non pas à l’épicurienne (manger et boire, car demain c’est la mort !), mais comme un homme de Dieu ; puisqu’il dépend de lui pour la vie et pour la joie (Qo 3, 13 ; 5, 19). Raison pour laquelle, Qohelet exhorte les jeunes à la jouissance d’une vie ordonnée à la crainte de Dieu et l’observance de ses commandements : 
« Réjouis-toi, jeune homme, dans ta jeunesse, sois heureux aux jours de ton adolescence, suis les voies de ton cœur et la vision de tes yeux (…), éloigne de ton cœur le chagrin, écarte de ta chair la souffrance (…), et souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence (…) » (Qo 11, 9—12, 1). 

En outre, comment tirer profit du temps présent, dans notre contexte de ‘‘boom’’ technologique ? Tout d’abord, il est à souligner que le ‘‘chantre de la vanité’’ ne saurait contester le bien-fondé de la techno-science qui offre des occasions de bonheur à l’humanité, des moments fous de joie aux jeunes ; ainsi que le souligne le pape François : « Il est juste de se réjouir face à ces progrès, et de s’enthousiasmer devant les grandes possibilités que nous ouvrent ces constantes nouveautés, parce que ‘‘la science et la technologie sont un produit merveilleux de la créativité humaine, ce don de Dieu’’ ».[8]

A l’heure actuelle, il n’est pas évident de pouvoir se passer de ses appareils électroniques. Ce qui est tout à fait normal, étant donné qu’ils nous simplifient et facilitent la vie. Cependant, reste à savoir comment faire bon usage de ces technologies au quotidien. Car, bien qu’étant au service de l’homme, ces outils peuvent nuire en cas d’usage abusif et immodéré : par exemple, consulter de façon ininterrompue ses courriels, rester indéfiniment en ligne sur des réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, Messenger, etc.) avec son Android ou sa tablette, etc. Cela peut devenir une obsession et causer des maux bien pires (perte de liberté, troubles psychiques, maladies, etc.). La technologie qui a pour vocation d’être au service de l’homme, peut d’un moment à l’autre se convertir en ‘‘Epée Damoclès’’.
C’est en adoptant de bonnes attitudes d’utilisation, en cultivant les vertus morales (sobriété, modération, souplesse, etc.) que ces outils seront toujours plus utiles que nuisibles, et contribueront efficacement au bonheur de l’homme. D’où, écrit le pape François : « La techno-science, bien orientée, non seulement peut produire les choses réellement précieuses pour améliorer la qualité de vie des humains (…), mais encore est capable de produire du beau et de projeter dans le domaine de la beauté l’être humain immergé dans le monde matériel ».[9] Aux jeunes, Qohélet lance cet appel : Ne laissez pas la technologie nuire à votre bien-être, apprenez à en faire bon usage au jour le jour !

         

   Que conclure ?

          
  « Vanité des vanités, dit Qohélet, tout est vanité ! » (Qo 12, 8). Le livre se termine ainsi comme il avait commencé ! En révélant à l’homme sa misérable condition, il lui a néanmoins appris sa grandeur, en lui montrant que ce monde n’est pas digne de lui.[10] En mettant en garde contre le danger du matérialisme et de l’extravagance, il en appelle à la sobriété et la simplicité de vie à la lumière des béatitudes de l’Evangile (cf. Mt 5, 1-12 ; Lc 6, 20ss). Car, la qualité de la vie ne s’évalue plus en termes de possession et d’avoir, mais dans l’usage modéré et responsable de ces joyaux ‘‘à effet boumerang’’ que nous offre sur un plateau la techno-science: "Gardez-vous de toute avidité, dit le Seigneur, car la vie de quelqu'un, même dans l'abondance, ne dépend pas de lui" (Luc 12, 15).


Abbé Dutrone NGOUNYO
(Article publié dans la revue "Le gong"
du Grand séminaire Jean-Paul II, Lomé, 2017)

 

Bibliographie

      Bible de Jérusalem, Cerf, Paris, 2012.
      Pape François, Lettre encyclique Laudato si, édit. Saint Augustin Afrique, Lomé, 2015.
      Harrington Wilfrid, Nouvelle introduction à la Bible, Cerf, Paris, 1971.
      Proulx Michel, A la recherche du bonheur : une lecture du livre de Qohélet, éditions Novalis, Montréal, 2015.
      Lavoie Jean-Jacques, Qohélet : une critique moderne de la Bible, éditions Médiaspaul, Montréal, 1995.
      http://www.lexpress.fr/informations/le-discours-du-liechtenstein_595795.html


[1] Voir Wilfrid Harrington, Nouvelle introduction à la Bible, Cerf, Paris, 1971, pp. 429-430.
[2] Michel Proulx, A la recherche du bonheur : une lecture du livre de Qohélet, édit. Novalis, Montréal, 2015, p. 10
[3] Ibidem, p. 12.
[4] Jean-Jacques Lavoie, Qohélet : une critique moderne de la Bible, éditions Médiaspaul, Montréal, 1995, p.105
[5] http://www.lexpress.fr/informations/le-discours-du-liechtenstein_595795.html
[6] Jean-Jacques Lavoie, Op.cit., page 61.
[7] Idem
[8] Pape François, Lettre encyclique Laudato si, édit. Saint Augustin Afrique, Lomé, 2015, page 98.
[9] Ibidem, page 99.
[10] Cf. Bible de Jérusalem, note de Qo 12, 8.

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