Photo de famille avec les autorités du district de Mpouya |
Sous
l’initiative de l’abbé Francis OBAH, une grande messe d’action de grâce a été
célébrée à la paroisse Bienheureuse Anuarite de Mpouya à l’issue de la
célébration de la fête de saint Joseph, patron des travailleurs.
Cette
messe a connu la participation massive des autorités politiques,
administratives et militaires dudit district, en l’occurrence, Mr le Sous-Préfet,
le Commandant de la marine, le Commissaire de police, les Directeurs des
collèges généraux et techniques, les officiers de polices, la gendarmerie et de
la marines, ainsi que bien d’autres personnalités importantes. Toute la
chrétienté de Mpouya a pris massivement part à cette solennelle eucharistie
présidée par le chancelier du diocèse de Gamboma, l’abbé Dutrone NGOUNYO.
Dans son homélie, l’abbé Dutrone a clairement
souligné le sens chrétien du travail.
Abbé Dutrone, chancelier |
Pour nous
chrétien, quel sens donnons-nous au travail de nos mains ?
« Notre
approche du travail a profondément été influencée par la mentalité occidentale,
fortement dépendante de la conception antique et païenne du travail, considéré
en général comme indigne de l’homme libre. Dans l’antiquité grecque, en effet,
le travail est perçu comme une activité dégradante, contraire à la dignité de
l’homme. L’origine même du mot (tripalium, instrument de torture ou ponos, peine
– contraire à Ergon : œuvre) évoque la contrainte et la souffrance. Le
travail manuel pendant toute l’Antiquité est principalement l’œuvre des
esclaves, donc objet de mépris. L’attitude des intellectuels (philosophes) est
bien celle des gens qui s’estiment supérieurs à ceux qui mettent en valeur les
ressources du sol. Dans la République, Platon établit une nette différence
entre ceux qui travaillent (ouvriers) et ceux qui ne travaillent pas mais
œuvrent ou agissent (les philosophes). Ainsi, Aristote, dans la Politique, en
décrivant les professions mécaniques, évoque-t-il « ce genre de vie
ignoble et contraire à la vertu ».Loin de se focaliser dans l’action
pragmatique, l’idéal grec se trouvait dans le digne loisir qui permet
l’entretien du corps (gymnastique) et de l’esprit (science comme contemplation
du vrai), et surtout la participation aux affaires de la cité. La vie idéale,
c’est un corps sain, un esprit sage qui se consacre à la culture.
De même,
jusqu’à la fin du Moyen âge, une certaine lecture de la Bible fait du travail
une peine infligée à l’homme en vertu d’une punition divine pour expier sa
faute : « Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as
mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : tu n’en
mangeras point ! Le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine
que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie (…). C’est à la sueur
de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la
terre, d’où tu as été pris » (Gn 3, 6-8).
L’Eglise, dans
son enseignement, nous invite à dépasser cet anathème qui pèse sur le travail pour
en découvrir la portée sanctifiante. Dans l’Enseignement social de l’Eglise, une
grande partie est consacrée aux rapports des hommes avec le travail. En
réalité, le travail n’est pas un châtiment divin qui viendrait punir le péché.
Le travail appartient à la condition originelle de l’homme et précède justement
sa chute. Dieu a donné la terre à l’homme afin qu’il la cultive avant même
qu’il eut péché. Il devient fatigue et peine à cause du péché d’Adam et Eve.
Les premières traces du travail humain sont
perceptibles dans le livre de la Genèse après la création. Il est présenté
comme une bénédiction du créateur qui invite l’homme à être fécond et inventif
pour remplir la terre entière et la soumettre par le travail (cf. Gn 1, 28).
Puisque Dieu a créé l’homme à son image, Il a voulu qu’il Lui ressemble à tout
point de vue notamment en poursuivant l’œuvre de création par le travail :
« Et Dieu leur dit : soyez féconds, multipliez, remplissez la terre,
et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du
ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre » (Gn 1, 28).
Dominer et
soumettre la terre (Gn 1, 26) est le sens profond de sa mission terrestre et de
sa vocation, comme un gérant administrant des biens au nom de son maître. Cette
domination de l'homme sur les autres êtres vivants ne doit cependant pas être
insensée; au contraire, il doit « cultiver et garder » le jardin du monde (cf.
Gn 2, 15) : « cultiver signifie labourer, défricher, ou
travailler ; garder signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner,
surveiller. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être
humain et la nature » (cf. Pape François, Laudato si, n°67). En
transformant la nature par son travail, l’homme doit la rendre en même temps
plus humaine et plus semblable à Dieu, comme le disait Pie XII : « le travail
poursuit l’œuvre commencée par le Créateur » (cf. message de Noël, 1957), il
permet à l’homme de « coopérer à l’achèvement de la création divine » (Gaudium
et Spes, n°67).
Par le
travail, non seulement l’homme transforme la nature en l’adaptant à ses propres
besoins, mais encore il se réalise lui-même comme homme, il s’élève au-dessus
du règne animal. C’est pour cette raison que le pape François affirme : «
le travail est quelque chose de plus que de gagner son pain. Le travail nous
donne la dignité. Celui qui travaille est digne, il a une dignité spéciale, une
dignité de personne : l’homme et la femme qui travaillent sont dignes ». En ce
sens, la nécessité qui pousse l’homme à travailler, c’est la nécessité de
s’accomplir en tant qu’être humain. On travaille moins pour avoir que pour
être : « Grâce au travail, l'homme gouverne le monde avec Dieu;
avec lui il en est seigneur, et il accomplit de bonnes choses pour lui-même et
pour les autres. L'oisiveté nuit à l'être de l'homme, tandis que l'activité
bénéficie à son corps et à son esprit » (cf. Compendium de la doctrine
sociale de l’Eglise, n°577).
Cette
conception du travail, le Christ l’a sublimé dans ses enseignements comme dans
son agir. Devenu en tout semblable à nous, il a consacré la plus grande partie
de sa vie terrestre au travail manuel, à son étable de charpentier dans
l'atelier de son père nourricier Joseph, à qui il était soumis: « D’où lui
viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du
charpentier ? » (cf. Mt 13, 55).Jésus a fait l’éloge du travail dans
la parabole des talents (cf. Lc 19, 11-28). Pour lui, les dons que chacun a
reçus de Dieu doivent être fructifiés. L’homme est un créancier de Dieu ;
et il lui revient de faire porter du fruit aux biens déposés en lui grâce à
l’effort de son travail.
Aussi, le
travail est fortement valorisé chez saint Paul. A plusieurs reprises, l’apôtre
des Gentils rappelle dans ses épitres qu’ « il travaille de ses
mains » (1 Co 4, 12), « nuit et jour, pour n’être à la charge de
personne » (1 Thés 2, 9 ; Actes 20, 34), en invitant les chrétiens à
fuir la paresse (cf. 2 Th 3, 6-12); età pratiquer une solidarité, aussi au plan
matériel, en partageant les fruits du travail avec « les nécessiteux » (Ep 4,
28). L’on ne doive travailler non pas seulement pour se procurer du pain, mais
aussi par sollicitude envers le prochain plus pauvre, auquel le Seigneur
commande de donner à manger, à boire, des vêtements, un accueil, des soins (cf.
Mt 25, 35-26).
Au demeurant,
mettons-nous à l’école du charpentier de Nazareth qui a su conjuguer,
diligence, application, constance, sérénité, humilité, abnégation de soi dans
son labeur quotidien. Apprenons de ce dernier à envisager le travail non comme
un esclavage, mais comme un privilège de grandeur et de noblesse, car il
sanctifie l’homme. Sur cette terre, la suprême fonction de l’homme c’est bel et
bien le travail et toute sa vie dépend de la manière dont il sait l’accomplir.
Comme saint Joseph, imprégnons notre travail de foi, d’espérance et de charité.
Joignons la prière à notre travail afin que notre travail devienne prière.
Amen. »
Afin de lier l’utile à l’agréable, un repas festif
a été offert dans le salon de la paroisse à la grande satisfaction de tous les
participants, qui expriment ainsi leur reconnaissance : « Cette initiative, c’est la toute
première du genre ! » s’exclama le Sous-préfet, profondément ému.
La Rédaction